Pourquoi la malbouffe existe-t-elle encore ?

Chère lectrice, cher lecteur,

Loin de moi d’en vouloir aux sceptiques de la santé alternative. Je trouve normal de douter. Nous doutons bien de la médecine conventionnelle, et c’est bien normal que ce doute s’applique également à nous-mêmes.

D’ailleurs aucun esprit scientifique ne peut s’émanciper du doute : c’est la voie même de l’excellence, depuis qu’un certain René Descartes a pris la plume pour écrire ses Méditations métaphysiques, en 1641.

Ainsi, je rencontre encore souvent des médecins qui ne sont guère convaincus de l’incidence de la nutrition sur la santé humaine.

Ils doutent de l’efficacité des compléments alimentaires, ainsi que de la médecine par les plantes. Mais pas des médicaments, bien sûr…

Pourtant, ils sont bien obligés de constater que les carences causent des maladies chroniques, et qu’au moins 60% des médicaments sont issus de molécules isolées depuis les plantes…

Mais pour ce qui est de la mauvaise nutrition, ça coinçait encore, il faut croire.

Ainsi, pour la plupart des médecins conventionnels, ce qui compte surtout, c’est l’hygiène et une alimentation « équilibrée », conseils qu’ils ne s’appliquent pas nécessairement à eux-mêmes, par ailleurs. 

Mais une étude titanesque[1], publiée dans la revue de médecine anglaise la plus considérable, vient d’évaluer clairement les méfaits de la malbouffe sur notre santé.

Je crois qu’il n’existe pas à ce jour de meilleur plaidoyer pour la médecine nutritionnelle que celui-là.

 

La nourriture-poubelle

Il est vrai que ce terme de malbouffe, pour être assez pratique (et démagogue, il faut le reconnaître), n’est pas tout à fait précis.

Ce que l’on appelle la malbouffe, traduction de l’anglais junk food (« nourriture-déchet »), se nomme en termes scientifiques, la nourriture « ultra-transformée ».

Cela signifie qu’il s’agit de recettes qui visent un certain goût, ou plutôt une certaine combinaison de goûts et de textures.

L’industrie agro-alimentaire arrive à produire ces aliments de façon essentiellement chimique.

Cela se fait d’une part avec des produits existants de très faible qualité et traités pour être utilisés comme ingrédients.

D’autre part, il y a un mélange qui est opéré avec un certain nombre d’additifs et d’exhausteurs de goût, afin de parvenir à une recette précise.

La finalité est de produire des aliments très gras, salés ou sucrés, dont la fabrication coûte peu, qui séduise les palais peu raffinés, et si possible, qui renouvelle l’appétit du public cible, parfois jusqu’à l’addiction.

Il y a bien sûr un autre aspect assez évident de la malbouffe : celle qui consiste à faire du prêt-à-manger, c’est-à-dire qui n’implique aucun effort de préparation de la part du consommateur.

Facilité d’usage qui se paie au prix fort, en termes de santé…

 

Pour gagner plus, faites pire

Il se trouve que la malbouffe est d’une rentabilité parfaite : elle transforme de la nourriture répugnante en sous sonnants et trébuchants.

De même que certaines recettes changent selon les pays (comme celle du Coca-Cola par exemple), elles sont régulièrement modifiées pour faire des économies croissantes sur des produits déjà existants.

La baisse de la qualité permet d’augmenter les profits sur ces aliments qui coûtent de moins en moins cher à produire, en utilisant des ingrédients de moindre qualité.

Le fabriquant mise sur le fait que le client attaché à son produit accepte plus facilement cette baisse progressive de la qualité.

Pareillement, le fabriquant joue sur la réduflation (le fait de donner moins de quantité alimentaire pour le même prix).

Si le client reconnaît avoir été joué, malgré la publicité qui cherche à tout prix à faire d’un produit célèbre une madeleine de Proust, il peut toujours se tourner vers un autre produit industriel plus onéreux.

Or il y a fort à parier que le produit de gamme supérieure appartient au même consortium agro-alimentaire.

En effet, la plupart des marques que nous trouvons en supermarché sont la propriété d’une poignée de multinationales.

Si votre confiserie n’appartient pas à Mondelez, elle appartient alors à Kraft Foods, à Unilever ou à Mars…

 

10 millions de patients étudiés

Il existe plusieurs sortes d’études scientifiques. Celle dont nous parlons est une « méta-étude », cela signifie qu’elle recoupe les données d’un grand nombre d’autres études pour parvenir à la réalité statistique la plus vaste possible sur un sujet donné.

L’étude sur la malbouffe dont nous parlons aujourd’hui rassemble les données de près de 10 millions de personnes (9 888 373, pour être exact). Pour ma part, je n’avais jamais lu une étude aussi vaste.

Cela revient aussi à reconnaître aussi qu’il y a des imprécisions dans cette étude : le principe est de recouper des tendances profondes.

Or que nous enseigne-t-elle ?

Que statistiquement, la consommation d’aliments ultra-transformés entraîne une dégradation de la santé :

—    Cardiovasculaire

—    Respiratoire

—    Mentale

—    Gastro-intestinale

—    Métabolique

—    Ainsi que des risques accrus de survenance de cancer

Toutes choses que certes, l’expérience nous avait enseignées, mais qui viennent d’être confirmées par A+B, et qui, comme le souligne l’étude, ne devraient pas manquer d’avoir des répercussions juridiques importantes. 

Après tout, la latitude qui est donnée à l’industrie agro-alimentaire pour fournir des produits ultra-transformés à la population pose question. Et nous avons assez souvent milité ici pour l’interdiction de ce genre de nourriture.

Toutefois, force est de reconnaître que cela pose aussi la question plus vaste de l’éducation à la santé et à la cuisine…

 

La mort au bout de la fourchette

« On creuse sa tombe avec ses dents », sombre adage, mais qui convient particulièrement à la malbouffe.

L’étude reconnaît ainsi que l’incidence de la malbouffe peut être très diverse sur la santé.

Il peut bien sûr il y avoir des excès de mauvaises graisses – comme les gras « trans » par exemple.

Mais aussi le fait que la malbouffe est dénuée de bons gras, tels que les oméga3, qui permettent d’arriver à un poids de forme s’ils sont équilibrés avec les oméga6, hélas très présents dans l’alimentation industrielle. 

Il y a aussi la question de l’excès de sel, qui cause les troubles cardio-vasculaires ; l’excès de sucre, qui favorise le diabète et nourrit le cancer…

Et puis, il y a aussi la question du manque d’éducation à la nourriture et, celle qui va avec, de la relative indigence des populations qui sont exposées à la malbouffe.

Car une population aux ressources faibles, est tendanciellement moins instruite sur les risques qu’elle prend avec une mauvaise nourriture.

Et il en va de même pour elle, en ce qui concerne les autres produits addictifs – notamment les narcoleptiques et l’alcool.

Car à ce niveau-là, la différence de revenu représente aussi une différence de qualité. Parvenir à l’ivresse en respirant de la colle ou en buvant une bouteille de grand cru n’a pas le même effet sur la santé…

 

La malbouffe est une aberration

Il est assez étonnant que l’alimentation de supermarché soit entre les mains de si peu de grandes entreprises et soit en même temps si peu contrôlée…

De fait, il est impératif d’avoir des lois nettement plus restrictives concernant la consommation des produits de l’agro-industrie.

A ce titre, l’usage des produits issus d’insectes, même lorsqu’il s’agit de colorants, devrait être rigoureusement interdit.

Mais pourquoi n’en irait-il pas de même pour l’ensemble des additifs qui représentent un risque pour la santé ?

Pourquoi n’avons-nous pas une politique rigoureuse vis-à-vis de l’industrie agro-alimentaire ? Pourquoi accepter l’existence même des produits ultra-transformés ?

Qu’est-ce que la population gagne à avoir une industrie agro-alimentaire florissante, si elle y perd en termes de santé ?

D’autant que la population ne s’en porterait que mieux si elle était interdite, et elle n’en mourrait nullement de faim, contrairement à l’agriculture intensive dont l’interdiction causerait, hélas, la disette.

La nourriture ultra-transformée est notoirement pauvre en vitamines, minéraux et oligo-éléments. Sans elle, nos concitoyens mangeraient notoirement mieux ! Ils seraient mieux nourris !

La nourriture ultra-transformée est une aberration à laquelle nous devrions mettre légalement un terme, et aussi vite que possible. Et le fait même qu’elle existe représente une hérésie démocratique.

Mais il serait également normal de donner des cours de cuisine dès le plus jeune âge, et de faire comprendre combien une bonne santé dépend directement de la capacité à se faire sa propre nourriture.

Cela n’empêchera pas les excès, mais au moins, ils seront librement consentis, au lieu de se faire au détriment des familles les plus pauvres, et des enfants innocents.

Non seulement la nourriture est le fondement de la santé, mais la lutte pour une nourriture saine devrait être celui de toute politique de santé.

Portez-vous bien (et transmettez, si vous le pouvez, le goût des bonnes choses)

Dr. Thierry Schmitz


Sources

[1] Lane M M, Gamage E, Du S, Ashtree D N, McGuinness A J, Gauci S et al. Ultra-processed food exposure and adverse health outcomes: umbrella review of epidemiological meta-analyses BMJ 2024


Dr Schmitz 12 april, 2024
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