Le saviez-vous : « L'espérance de vie "en bonne santé", c’est-à-dire sans incapacité, reste très inférieure à l’espérance de vie. En France, en 2018, la première était de 63,4 ans pour les hommes et de 64,5 ans pour les femmes, tandis que la seconde atteignait 79,4 ans pour les hommes et 85,3 ans pour les femmes » (1).
Alors comment modifier cette réalité ? Comment augmenter son espérance de vie en bonne santé afin de ne pas, ou le plus tard possible, être confronté à la maladie ?
Le paradoxe de la nutrition préventive
On pourrait s’attendre à ce que la nutrition préventive ait un impact sur les populations vieillissantes. Or, on observe que les années de vie en bonne santé, avant le décès, n'augmentent pas.
Les maladies chroniques (diabète de type 2, stéatose hépatique, etc.), les maladies cardio-vasculaires et les maladies de dégénérescence cérébrale comme Parkinson et Alzheimer, continuent d’handicaper les populations vieillissantes. De plus, certaines de ces maladies, comme le diabète, surviennent de plus en plus tôt.
On peut avancer diverses explications :
- Le manque d’éducation nutritionnelle, ou la mauvaise qualité de cette éducation ;
- Une méconnaissance des effets potentiels des « conseils nutritionnels » et une grande confusion entre les programmes diététiques (tout ce qui concerne la régulation des apports alimentaires, les régimes) et les programmes nutritionnels (recherche et correction des déséquilibres en nutriments) ;
- Les conséquences, en particulier chez les jeunes enfants, des abus de la publicité à propos de la malbouffe et des sucreries ;
- Le manque de temps et de moyens conduisant à la consommation quasi-quotidienne de préparations industrielles ultra-transformées, trop salées, trop sucrées, trop énergisantes, etc. ;
- Le laisser-aller et la résignation de certains parents vis-à-vis des désirs alimentaires de leurs enfants ;
- L’absence de conseils nutritionnels spécifiques pour les femmes enceintes, et pour le sevrage des enfants.
Avant l’existence de la « carte Vitale », les médecins donnaient une « feuille de maladie » à leurs patients afin qu’ils puissent se faire rembourser leurs prescriptions. Mais une « feuille de santé » aurait été nécessaire également. Nous en sommes toujours là, et la « médecine de la santé » reste une utopie inaccessible parce que, pour le praticien, elle prend trop de temps, demande trop de connaissances et n’est pas justement rémunérée.
La santé par la prévention ne fait pas vraiment partie de notre culture médicale, et la prévention nutritionnelle encore moins. La plupart des gens ne s’intéressent à leur régime que lorsqu’ils sentent qu’ils en ont ponctuellement besoin :
- De perdre du poids ;
- Parce qu’ils sont fatigués, manquent d’énergie ;
- Pour accompagner un traitement médicamenteux plus ou moins bien toléré ;• en cas de pathologie à priori induite par une mauvaise nutrition ou une trop grande sédentarité : augmentation des lipides sanguins, de la glycémie ou inflammations hépatiques liées à l’alcool, etc.
… Ou quand leur thérapeute insiste pour qu’ils modifient leur façon de manger.
Trop tard pour parler de prévention nutritionnelle
Mais il est alors beaucoup trop tard pour parler de prévention nutritionnelle. C’est souvent à la suite d’une consultation que vous découvrez que :
- Vous avez un poids trop élevé ou insuffisant ;
- Vous souffrez de fatigue chronique ;
- Vous dormez mal ;
- Vous êtes trop angoissé(e) ;
- Vous êtes déprimé(e) ;
- Vous avez une mauvaise tension artérielle ;
- Votre foie est trop gros ou trop gras ;
- Vous avez des douleurs anormales, etc.
Ou à la suite d’une analyse biologique que vous découvrez que :
- Vous avez trop de sucre dans le sang, donc vous risquez de devenir diabétique ;
- Vous avez trop de graisses dans le sang, ce qui représente un risque cardiovasculaire ;
- Vous avez trop d’urée, d’acide urique, et donc vos reins fonctionnent mal ;
- Vous avez des carences en vitamine D, en fer, etc. ;
- Votre thyroïde sécrète trop ou pas assez d’hormones ;
- Vous souffrez d’inflammation chronique ;
- Vos analyses hépatiques (transaminases, gamma-GT) ne sont pas normales ;
- Vous manquez de telle ou telle hormone, etc.
Malheureusement, les conseils de votre praticien ne proposent souvent qu’une réponse « minimaliste » :
- Vous avez trop de cholestérol ? Prenez un médicament anticholestérol et tout rentrera dans l’ordre ;
- Vous avez trop de sucre ? Mangez moins de sucre et prenez un antidiabétique (même naturel) ;
- Vous avez trop d’acide urique ? Prenez un médicament inhibant sa synthèse ;
- Vous avez trop de tension ? Prenez un anti-hypertenseur (même naturel), etc.
La nutrition préventive arrive donc trop tard !
Pour répondre à cela, je me réfère aux citations du Dr Anthony Fardet (1) :
« Jusqu’à aujourd’hui, les recherches en nutrition préventive se sont principalement concentrées sur la prévention secondaire, qui vise à réduire la prévalence d’une maladie dans une population, et sur la prévention tertiaire, destinée à minimiser les conséquences de l’incapacité résultant de la maladie.
Autrement dit, les préceptes de la nutrition préventive sont généralement mis en œuvre dans la seconde moitié de la vie, lorsque les individus sont déjà à risque, voire affectés, par des problèmes de santé liés au vieillissement.
Pour être efficace, une véritable prévention nutritionnelle primaire devrait au contraire être appliquée très tôt, au moins pendant la première moitié de la vie, idéalement en commençant par la mère, avant la conception et pendant les 1 000 jours suivant la naissance de l’enfant.
Cette approche se heurte cependant à une question scientifique sous-estimée : formuler des recommandations nutritionnelles efficaces implique de connaître les facteurs qui permettent à un individu de rester en bonne santé. Or, paradoxalement, l’état de « bonne santé » lui-même n’est pas bien caractérisé, et il reste beaucoup à faire dans ce domaine de recherche.
D’un point de vue scientifique, plusieurs questions restent à explorer : qu’est-ce que l’état sain ? Quelles sont les caractéristiques métaboliques qui le caractérisent (avant que n’apparaissent les marqueurs des maladies)? Comment ce profil métabolique sain évolue-t-il dans le temps ? »
Pour « enfoncer le clou », citons les conclusions d’un article de Julien Hernandez, publié le 20 février 2020 sur le site « futura-sciences »(3), à propos des bienfaits de l’alimentation méditerranéenne sur notre santé, par l’intermédiaire de son action sur notre microbiote :
« On remarque à nouveau le potentiel préventif que possède l'alimentation sur notre état de santé. Un potentiel trop peu exploité, avec des consultations diététiques quasi-inexistantes dans le parcours médical de la population générale, non remboursées par la Sécurité sociale, connotées négativement par des idées préconçues anachroniques de restriction alimentaire, et enfin par la présence de brebis galeuses dont l'objectif est avant tout mercantile. »
Sources :
(1) Anthony Fardet, chargé de recherche en alimentation préventive et holistique à l’UMR 1019 – Unité de Nutrition humaine, Université de Clermont-Auvergne, et Edmond Rock, directeur de recherche à l’ l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA).
(2) https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/nutrition-regime-mediterraneen-certains-effets-expliques-partiellement-via-microbiote-79677/?fbclid=IwAR247X8kyvypGx2AW-49vVmkU1_MNb8x5yohHe1KBlpLAKP3sufPKw2rDuk(3)
(3) Mieux que guérir. Les bénéfices de la médecine alternative, Éditions Josette Lyon, 2011